Du monde du travail à celui de la mode en passant par celui des loisirs, le jeans a progressivement gagné toute les gardes robes pour s’imposer, à l’aube du XXIème siècle comme le vêtement témoin de l’évolution du costume depuis la fin du XIXème siècle.

Il est l’un des rares vêtements à être passé de l’univers brut du travail ouvrier à celui des loisirs et de la décontraction.
Le denim est comme le cuir sont destinés à vieillir d’une manière propre à chaque usager. Véritable témoin du mode de vie de son porteur.
Aujourd’hui sur Bw-Yw je vous propose un article historique sur le vêtement le plus porté au monde !
Nous en avons déjà pas mal parlé sur le blog. Comment le choisir, quelle toile est vraiment souhaitable, comment le porter que ce soit en pantalon, chemise ou encore veste mais l’angle choisit aujourd’hui est bien différent.

Tout ce qui suit provient du livre: Histoire du jeans de 1750 à 1994 par le Palais Galliera, musée de la Mode et du Costume. Ce n’est qu’un tout petit aperçu de la richesse de cet ouvrage.

Son histoire est dense et compliqué.

Le soucis du jeans (le tissu) c’est son origine. En effet beaucoup d’entre vous connaisse aussi son autre nom: Denim. Qui selon la légende signifierait que le tissu vient de la ville française Nîmes. Mais d’autre source affirmerait que le tissu proviendrait d’Italie. De Gênes plus précisément.
Et ces deux villes sont très probablement les lieux indiscutables de leur origine.
Toutefois des nombreux textes hagiographiques, aux journalistes et essayistes de ces dernières années aucun d’entre eux ne nous a apporté de réels éclairages sur la nature des liens entre ces deux villes et le pantalon américain que nous connaissons aujourd’hui.

Plus encore l’apparente interchangeabilité des termes “jean”, “denim” et “jeans” est une source de confusion nécessitant des définitions préalables.

Le jean est une étoffe en coton, à armure sergé, dont les fils de chaîne et les fils de trame sont de même couleur.

jean tissu sergé

Le denim est également un sergé de coton, mais il se caractérise, lui, par l’utilisation de fils de chaîne bleu indigo, non teints à coeur, et de fils de trame écrus. Cette combinaison de fils explique le processus naturel et progressif de son délavage.

denim toile

Jeans est l’abréviation de “a pair of jeans”. C’est donc le pantalon que nous connaissons aujourd’hui.

jeans balmain

L’embrouille est fondée sur l’existence, dans la région du Languedoc, au XVIIIème siècle, de deux étoffes dont la plus célèbre est la serge de Nîmes, l’autre un drap appelé nim.
La serge de Nîmes est communément présentée comme étant l’ancêtre du denim. Mais certains auteurs y voient l’étoffe même dont dériverait ce dernier, d’autres la considèrent plutôt comme une source étymologique.
La réputation de l’étoffe assure celle de son nom. Et se met alors à fonctionner comme argument de vente et non plus comme garantie de sa provenance.
La serge de Nîmes peut désigner des tissus qui ne sont qu’apparentés aux premiers réalisés et dont le lieu de confection peut différer.
Certes la région languedocienne révèle tout au long du XVIIIème une grande production de ce tissu mais d’autres centres manufacturiers français, tout comme les régions de Halifax et de Leeds, en Angleterre, fabriquent de la serge de Nîmes à la fin du même siècle.

Par ailleurs, il parait étonnant que la filiation entre la serge de Nîmes et le denim soit directe, dans la mesure où la première est constituée de laine ou de laine et soie tandis que le second est tissé de coton.
La différence de matière, jointe à la réputation de l’appellation commerciale “serge de Nîmes”, semblent suffire pour inférer que le denim n’entretient avec la serge de Nîmes qu’une relation purement nominale.

L’existence d’un drap de laine appelé nim, confectionné dans le sud de la France, n’a pu que renforcer le trouble semé autour de l’origine du denim.
Des archives de l’Hérault nous fournissent des échantillons en particulier. Il s’appelle: “Nims”. Il est indiqué qu’il n’est pas obligatoirement fabriqué à Nîmes.
Le nim fait partie d’un ensemble important de drap de laine réalisés dans les fabriques royales, ordinaire ou privilégiées, installées autour de Carcassonne. Cette production entrait en concurrence avec un ancien commerce anglais également présent au bord de la méditerranée. Le drap de laine anglais était réputé de meilleure qualité que son rival français.

Les fabricants, en cas de surproduction, cherchaient à exporter leurs réserves vers l’Amérique. De nombreux relevés d’exportation de nims vers l’amérique, tel celui du fabricant Ayrolles de Carcassonne, ont contribué à ancrer la certitude d’une provenance française du denim. Sergé de coton celui ci est pourtant nettement différent des nims en laine basés le plus souvent sur une armure toile.
En revanche, l’histoire des origines du denim est inséparable de celle du tissu jean.

L’apparition et l’évolution du Denim

L’Angleterre était, depuis le Moyen-Age, une grande importatrice de sergés de coton, mélangé de laine ou lin appelés futaines. Désignée par son lieu de provenance la futaine de Gênes, dite “jean” ou “jeane”, était une des plus populaires, ce qu’attestent les relevés de l’époque de son importation à grande échelles vers Londres.

La fabrication et le commerce des futaines s’organisent dans le Lancashire, autour de Manchester et le jean compte rapidement parmi les étoffes les plus diffusées. Les tissus en coton voient leur consommation grandir dans tout le pays suite à un changement d’habitudes vestimentaire qui privilégie désormais le coton au détriment de la laine

Le développement de la consommation textile, dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, amena les fabricants à diversifier la gamme des tissus de coton. Il semble que le denim soit apparu dans ce contexte. Qu’il soit destiné à satisfaire une demande en pleine expansion pourrait expliquer son prix plus élevé que celui du jean, différence qui ressort d’un tableau comparatif des tarifs des textiles du Lancashire entre 1775 et 1785.

L’histoire du denim possède son recueil d’échantillons anglais intitulé le Manuscrit Hilton, du nom de l’un de ses hauteurs. Il fut réalisé par le comité des fabricants de futaines de Manchester, à l’occasion de la signature du traité d’Eden entre la France et l’Angleterre en 1786. Ce traité de commerce prévoyait des échanges plus libres pour les produits industriels et agricoles entre les deux pays.
Quatre sortes de Denim en coton marron sont répertoriées dans ce document, allant du sergé simple à des armatures plus complexes, mais toujours basées sur le sergé.
Les denims anciens n’ont alors en commun avec ceux du XXème siècle que leur matière, le coton.
Le denim témoignent de l’évolution de de la consommation textile en Angleterre au XVIIIème siècle.

Il est normal que le jean et le denim, étoffes anglaises communes et populaires, soient confectionnées, aux Etats-Unis dès les premiers développements de l’industrie du coton. La production du jean et du denim s’accrut tout au long du XIXèmme siècle =, suivant le développement de l’industrie textile américaine et de son marché. Les qualités et leurs dénominations se multiplièrent. Amoskeag la plus puissante des manufactures du secteur situé à Manchester dans le New Hampshire (Etats-Unis), à la réputation très solide fournissait dès 1860 Levi Strauss, installé à San Francisco, en denim destiné à l’exécution de ses pantalons.

new hampshire
L’état du New Hampshire

Levi Strauss
Levi Strauss

Le jean et le denim sont donc au XIXème siècle, aux Etats-Unis deux étoffes différentes à usage distinct.

Travail en jean ou denim?

En 1849 Lewis&Handford’s de New York proposent à la vente des manteaux et des vestes en jean marron, olive, noir, blanc, bleu et des pantalons fins en “blue jean” sans doute en sergé bleu. En denim bleu et denim fantaisie existent des pantalons, des redingotes et surtout des “overalls”, c’est-à-dire des salopettes, des combinaisons et des pantalons, avec ou sans veste, destinés au travail.

Le “pantalon de travail”, ou “over-pants”, des mécaniciens est en denim bleu, lequel est décrit comme leur tissu favori. Souple et facile à nettoyer, le denim est également apprécié des peintres pour leur salopette et leurs vestes. Mais le pantalon bien coupé et résistant, nécessaire à l’ensemble des travailleurs, toutes catégories confondues, ne peut être qu’en jean.

Le denim semble ainsi réservé aux vêtements de travail dont la résistance et le confort réunis sont l’essentiels. Le jean est utilisé pour les vêtements de travail en général. En 1942 John Hoye met en évidence la coexistance prolongées de ces deux étoffes. Le jean, un sergé de coton à la chaine et la trame de même couleur sert à la confection de salopettes, chemises de travail et de sport, shorts, uniformes de médecins et d’infirmières, doublures de chaussures. Le denim , “le tissu le plus important du group des tissus utilisé pour le vêtement de travail”, y apparaît dans sa version actuelle, un sergé comprenant des fils de chaîne bleus et de trame écrus.

Succès du jeans dans la société américaine

C’est dans la deuxième quart du XXème siècle que le nom de jeans serait passé progressivement du tissu jean à un pantalon dans ce tissu, puis à un autre pantalon, dit “de style western”, légèrement différent et réalisé en denim. Cette évolution coïncide avec l’introduction de ce dernier dans la panoplie des vêtements de loisir.

Le succès du jeans passe sans aucun doute par la reconnaissance culturelle de l’Ouest et celle de son acteur principal devenu mythique à travers le monde, le cow-boy! Véritable incarnation du héros américain moderne.

cow boy John wayne
John Wayne. Le symbole du cow-boy américain. Un homme, un vrai! 🙂

Le succès du tourisme dans l’Ouest et des vacances dans les ranches en résulte directement, avec, en corollaire, l’adoption enthousiaste de la tenue locale la mieux adaptée à cette vie sportive et de plein air: le jeans en denim.

Conclusion

Véritable condensé d’histoire textile et vestimentaire propre à entretenir tout un imaginaire collectif, ma connaissance du jeans passe par l’étude attentive de son étoffe. En tant que tissu de coton, le denim est un témoin du déploiement formidable de cette matière dans les gardes robes du milieu du XVIIème au XXème siècle. L’évolution du nom de jean -en jeans-, son glissement d’un tissu à un pantalon de travail taillé dans un autre textile, le denim, a largement participé à la confusion générale sur ses origines.

Il est d’ailleurs intéressant que la maison Levi Strauss and Compagny n’adopta le nom de jeans pour ses pantalons en denim que dans les années 1960.
Jusque là, elle se contenta du terme générique d’overalls, ou vêtement de dessus, maintenant ainsi le lien avec le travail.

L’histoire du jean acquiert toute son importance quand l’Europe découvre ce pantalon au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, et se passionne pour cette ultime métamorphose formelle du denim. Dès ce moment, deux approches divergentes du phénomène se développent :
celle des Européens, fascinés par le denim à travers l’histoire du jeans, et celle des américains, qui incluent l’histoire du jeans dans celle plus vaste, du denim.

Voilà pour le peu que j’ai vous proposer au sein de toute la richesse que propose ce mythique vêtement !
Si vous en voulez plus faites le moi savoir dans les commentaires 😉
Il y en a des choses à dire !

Sidney, historien le temps d’un article…

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